Rétrospective sur l'art naïf africain 31/08/2005 - Lu 2289 fois
Article paru dans un journal ivoirien et qui retrace le parcours culturel de l'art naîf.


A la fin du 19ème siècle, devant la toute puissante prédominance du néo-classique et, par la même, des arts académiques, des marchands se sont engagés à défendre et à montrer au grand public, les arts naïfs. Et depuis, de Haïti à Cuba, en passant par l'ex-Yougoslavie, la peinture naïve a fait école et n'a cessé de se propager.

Ainsi, à la faveur de l'événement qu'a constitué l'exposition de naïfs organisée par la fondation Expression Azimuts aux côtés de peintres académiques, du 13 au 15 juin dernier à l'hôtel Sofitel, nous avons fait une incursion dans l'univers des peintres naïfs de Côté d'Ivoire.
Généralement tenus à l'écart des grands mouvements contemporains ces naïfs sont les plus importants du continent. Leur apparition dans le paysage des arts plastiquesen Côte d'Ivoire remonte au milieu des années 1980. A la suite de Zéphirin que défendait alors la galerie Akagni, vient la génération des Idrissa Diara, Augustin Kassi, Camille et autres à qui le Centre culturel français (C.C.F.) a consacré une exposition de groupe. Puis se sont ouverts pour eux les portes du musée des naïfs Marx Fournier à Paris aux côtés d'autres naïfs africains. Et depuis lors, la cote et la réputation des naïfs de Côte d'Ivoire ne cessent de croître. La galerie "Arts pluriels" organisera, quant à elle des expositions personnelles de Augustin Kassi dans les années 90. La plus importante date de novembre 1995.

Même si leur style reste caractéristique de la peinture née au début du siècle autour du douanier Rousseau, le plus célèbres des naïfs révélé par l'Alfred Jarry, ceux de Côte d'Ivoire ne sont plus ces ex-fonctionnaires venus sur le tard à la peinture et ignorant tout des méthodes académiques. Ils sont, pour la plupart, des anciens élèves du Centre d'art d'Abengourou (fondé dans les années 1970 par Charles Bierth). Et se consacrent à plein temps à la peinture. Exception faite de quelques-uns moins connus qui, pour arrondir les fins de mois, peignent des enseignes, des portraits ou des tableaux à la demande du client, leur sujet est emprunté à la vie quotidienne: scène de marché, animation des artères des villes. Dans leur écriture, on retrouve l'imagerie populaire. Malgré une ceraine précision dans le dessin comme dans l'application des couleurs (qui va jusqu'à la manie) leurs oeuvres ne peuvent être traitées de réalistes. Elles sont souvent l'effet d'obsessions subconscientes de la notion d'âge d'or.
Ces naïfs ont en commun une relative ou totale influence de l'académisme. Ils ont le souci de tout dire par des lointains suggérés en évoquant autant que possible la ligne d'horizon. Les points de fuite dans le cas d'un paysage urbain partent des quartiers périphériques vers les centre-villes caractérisés par une architecture sérieuse. Les formes principales sont réhaussées par des aplats de couleurs pures et par de petites touches minutieuses de pinceau. Tandis que les espaces intermédiaires sont traités avec des couleurs dégradées ou complémentaires.

Sur le support préparé à la colle à bois et à la peinture acrylique (comme chez Djiguemde Roger, Rasmané ou Ehoba), ou préalablement préparé et prêt à accueillir la peinture (comme chez Kassi), l'élaboration commune par les ciels ou la terre. Au crayon ou directement à la peinture (huile ou acrylique). Viennent ensuite les éléments dominants qui donnent souvent le titre au tableau et l'animation par la résolution des problèmes d'équilibres. Par des écriteaux ou autres objets. Ainsi, une surcharge de "gbaka" ou un ballon dans le ciel (voir photo) viendra accentuer la perspective atmosphérique. Une palette gaie où les tons sombres sont délibérement exclus. Derrière cette façade, les naïfs prolongent des messages à connotations éducatives et de sinsibilisation. Citons ici la protection de la fôret, les feux de brousse, le sida, la corruption, etc. Tout ceci couve un ardent désir d'un idéal paradisiaque qui, pour eux, serait de vivre décemment de leur art. Ce à quoi s'attelle la Fondation Expresson Azimuts avec l'aide de mécènes et autres donateurs. Cette structure projette pour eux une grande exposition au mois de décembre prochain à Abidjan et un atelier de formation sur la préparation des toiles en mars à Bassam.

Mimi Errol, journaliste culturel
Jeudi 1er août 1996, Ivoir'Soir, page 10

 



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