L’art naïf africain s’expose à Laval 27/09/2005 - Lu 1573 fois
Article paru dans l'édition du 31 juillet 2001, rubrique Cultures, du journal l'Humanité


Laval accueille sa troisième biennale consacrée à l’art naïf. Une invitation à découvrir les artistes du continent africain.

À l’heure où l’art africain retrouve de son essor, la biennale d’art naïf de Laval consacrée cette année à l’Afrique ne pouvait mieux tomber. La ville, qui avait auparavant organisé avec succès deux autres biennales d’art naïf en 1997 (Europe) et en 1999 (Amérique centrale et latine), poursuit dans cette voie, avec la volonté de développer le goût et la connaissance d’une forme artistique ancestrale. Cette collection, de près de 280 tableaux, est le fruit d’une collaboration entre les rares musées africains et certains grands musées européens, et des collectionneurs comme Aimé Maeght, qui a fourni une partie des toiles de la peintre algérienne Baya, décédée en 1998. Les artistes des treize pays représentés attendaient cet événement avec impatience. Certains d’entre eux, visiblement touchés par l’ampleur donnée à l’initiative (quatre lieux d’exposition leur sont consacrés), ont peint d’autres toiles, juste pour l’occasion, à l’image de l’Ivoirien Idrissa Diarrassouba qui en a réalisé sept en deux mois. Plus qu’un simple rendez-vous, une reconnaissance pour ces artistes d’un continent en souffrance.

L’art naïf est patent dans tous les pays depuis des siècles. Pourtant, en donner une définition reste principalement une affaire d’impressions : " Si un auteur se dit " naïf ", alors on doit le considérer comme tel ", explique Stéphanie de Charry, l’une des organisatrices de la manifestation. Les ouvres naïves mettent en scène la nature, l’histoire et le quotidien des peuples, d’une manière en apparence simple mais qui s’avère rapidement dévoiler des messages plus profonds. On privilégie la peinture pour communiquer et le souci de l’esthétique n’est pas la norme. Au niveau des procédés, l’art naïf peut se rapporter au dessin animé ou à la bande dessinée, utilisant des supports aussi variés que le bois, le papier, le verre ou la simple toile de sac de riz. À Laval, la chapelle Saint-Julien abrite les trésors des deux seuls artistes nord-africains, Baya (Algérie) et Mohamed Lagzouli (Maroc). Les tableaux imposants de Baya représentent des femmes fortes, à la poitrine opulente et aux yeux lourds de khôl qui se font tantôt malicieux, tantôt attendrissants. Tendance que l’on observe notamment dans Femme et Enfant en bleu, où une mère regarde avec amour et douceur sa progéniture. Elle semble combler la perte de sa mère dans sa jeune enfance par la présence des femmes. La nature jaillit de partout, se fait envahissante, presque oppressante : des oiseaux, des arbres, des fleurs à foison jusque sur les robes très colorées et même sur les instruments. Cette artiste d’exception, découverte à l’âge de onze ans par Maeght, affirmait son caractère et la maîtrise de son art. Elle laisse des espaces peints avec des couleurs claires et reposantes et d’autres où elle mêle des nuances sombres, presque morbides. Une fois dans la salle réservée aux ouvres de Lagzouli, on a le sentiment d’échouer dans un monde miniaturisé. Les scènes et les couleurs de ses tableaux sont rafraîchissants de gaîté. On passe du souk à la pêche, en faisant un détour par le hammam quand, soudain, on rencontre un tableau qui détonne : une ouvre de Lagzouli, qui présente d’étranges ressemblances avec l’art mythique, qui a fait le succès de Baya. Une influence que l’on retrouve chez certains peintres d’Afrique noire qui ne va pas sans rappeler le trait du Douanier Rousseau.

Au musée des Arts et des Sciences, des artistes anonymes éthiopiens rendent compte, dans un style proche des tapisseries médiévales, des batailles sanglantes qui mirent fin au colonialisme et des guerres de religion entre chrétiens et musulmans. Le Congolais Paul Mampinda se joue d’une vision occidentale pour croquer des scènes ordinaires d’un quotidien passé au prisme d’un appareil photographique. Des artistes ivoiriens et nigérians (qui ont collaboré pour l’occasion) ont mis l’accent sur la diversité des couleurs du marché, l’abondance de la faune tropicale et l’aridité du désert. À l’Orangerie, Damian B. K. Msagula (Tanzanie) expose des ouvres où les traits précis dessinent des personnages qui se détachent sur une palette de couleurs tranchées. À la Perrine, autre lieu d’accueil de cette exposition, les " souwères " du Sénégalais Boubakar Fall (technique qui consiste à peindre à l’envers, du détail au général, sur le verre) nous régalent de portraits de femme et de proverbes animés. La peinture sur écorce et sur parchemin de l’Angolais Franck K. Lundangi attire l’oil, de même que la satire de l’institution militaire par le Burkinabé Djiguemde H. Roger, qui, par ailleurs, représente plusieurs scènes de vie quotidienne. Après ce bref voyage en terres africaines, qui touche par la force des émotions qu’il procure, on finit par penser que cet art n’est pas si naïf que son nom voudrait bien nous le laisser entendre.

Habibou Bamogo

" Présence de l’art naïf en Afrique ", jusqu’au 15 septembre, à Laval. Tous les jours sauf les lundis. Prix d’entrée pour l’ensemble des quatre lieux : 35 francs. Rens : 02 43 49 47 84 ; Catalogue : 100 francs.

 



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